Un spécialiste de l'Outaouais n'a qu'à traverser la rivière pour voir son salaire augmenter en moyenne de 106 000 $, selon les chiffres de l'Association médicale canadienne.
Et encore, ce n'est qu'une moyenne tirée des statistiques 2005-2006. Dans le cas de certaines spécialités, comme la chirurgie orthopédique ou la médecine interne, l'écart salarial atteint plus de 150 000 $.
«En d'autres termes, si je vous enlève une vésicule biliaire, je serai payé 50 % de plus à Ottawa. C'est ce qui fait qu'en Outaouais, des médecins traversent de l'autre bord», dit Gaétan Barrette, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.
Pour rétrécir l'écart avec les autres provinces, le gouvernement de Jean Charest a consenti à ses spécialistes des augmentations salariales totalisant un milliard de dollars, en 2007. De quoi leur offrir une sorte de parité avec leurs collègues des autres provinces d'ici 2015.
L'Ontario vient tout juste de gâcher ce beau scénario. La province voisine a accordé des augmentations salariales de 12,5 % à ses spécialistes d'ici 2011, afin d'éviter qu'ils s'enfuient... en Alberta.
Bref, on n'en sort pas.
«Toutes les provinces manquent de docteurs, toutes les provinces tentent de voler des médecins à leur voisin, et le Québec est le plus moumoune dans le lot», tranche le Dr Barrette.
En Outaouais, où il manquerait plus de 150 médecins spécialistes, on cherche de plus en plus à compenser l'écart salarial avec l'Ontario par ce qu'on appelle les «conditions de pratique».
Les médecins sont dépendants de leur environnement de travail, de l'équipe qui les entoure. C'est une considération très importante aux yeux de plusieurs spécialistes.
De meilleures conditions de pratique, c'est le chirurgien qui obtient l'assurance d'opérer plus d'une journée par semaine. Le gynécologue qui se fait offrir l'équipement pour opérer et faire des échographies.
Compenser un écart de 100 000 $
Selon le Dr Barrette, de bonnes conditions de pratique peuvent compenser un salaire nettement inférieur. Même un écart de 100 000 $ ? «Ça peut valoir ça», convient-il.
Candidat péquiste dans Hull, le Dr Gilles Aubé est convaincu que c'est la voie à explorer. «Ajoutez 200 nouveaux lits de soins aigus en Outaouais et vous allez voir que les spécialistes vont accourir», répète-t-il à qui veut l'entendre.
Son adversaire libérale, Maryse Gaudreault, croit beaucoup qu'une approche positive aidera à attirer et à garder des médecins spécialistes en Outaouais.
Elle prend l'exemple d'une gynécologue d'Ottawa qui est venue la voir à son bureau pour lui demander de l'aider à développer un projet de centre de santé de la femme à Gatineau.
«Au lieu d'aller se plaindre dans les médias, elle est venue me voir parce qu'elle savait que je pouvais l'aider. Loin d'avoir une approche entrepreneuriale, elle cherche à aider la population, à donner de nouveaux services.»
Alors que Gilles Aubé plaide en faveur d'un plan de rapatriement des soins de santé au Québec, Maryse Gaudreault ne voit rien de mal à ce que des patients de l'Outaouais se fassent soigner en Ontario, d'ici à ce que la pénurie se résorbe.
pduquette@ledroit.com